AndréC : Après avoir lu ce texte de Michel Delord, il m'en reste une impression de flou généralisé, d'affirmations péremptoires ou insuffisamment argumentées. Il parle comme si toutes ses affirmations étaient des évidences, elles le sont pour lui, pas pour moi.

Michel Delord : Je dois effectivement m’excuser car l’argumentation est effectivement peu développée pour deux raisons : - d’une part pour des raisons de temps ; même si je suis retraité il a fallu du temps pour écrire ces 18 pages qui devaient absolument sortir le 18 (pour le « débat du 18 » !!!) et j’ai pensé au dernier moment qu’il était utile de faire ce paragraphe car le sujet me semble aussi important que peu débattu, même si je ne pouvais le développer. - d’autre part, je croyais que tout le monde avait à l’esprit un certain nombre d’exemples et je me suis donc contenté d’un exemple portant sur le primaire.

AndréC : Par exemple, cette nécessité de rupture, qu'en dit-il ? Pas grand chose, je cite : « Ces conceptions induisent la non existence de ruptures dans les progressions or ces ruptures, changements de perspectives sont indispensables. » J'attends une explication, une justification de cette affirmation, mais non, il donne un exemple que voici : « Exemple : passage des entiers aux décimaux et existence de la notion de « successeur » ». Un peu maigre comme argument. Le reste est à l'avenant. Je ressors de cette lecture en ayant lu l'opinion d'un convaincu qui n'est pas très convaincant, ce qui est dommageable pour la cause qu'il défend.

Michel Delord : quand j’ai écrit je supposais que tout le monde admettait qu’il fallait absolument des ruptures – et donc que je n’avais pas à en apporter une preuve – puisque tout le monde en connait et un beau tas - pour pouvoir soustraire, il faut que le nombre soustrait soit plus petit que l’autre - on ne peut pas avoir de carrés négatifs - la somme des angles d’un triangle est 180° - par un point, on peut toujours tracer une seule parallèle à une droite donnée …

Et je pensais donc que la question centrale était de démontrer qu’une vérité aussi évidente et nécessaire était en fait contredite et ce pas par des seconds couteaux pendant quinze jours mais par acteurs de premier plan et sur une longue période, ce qui en fait ce que j’appelle une question fondamentales disciplinaire. Et en effet la première citation que je fais provient du livre principal de l’APMEP sur la réforme des maths modernes en primaire et se présente comme « le premier principe d’une didactique des mathématiques » ; la deuxième citation est affirmée par un auteur aussi célèbre que Pierre Kahn et ne génère, à ma connaissance aucune critique venant du mainstream pédagogique; en général, on peut remarquer de plus que cette nécessité des ruptures n’est jamais, à ma connaissance, affirmée. D’autre part même si la négation du rôle positif des ruptures n’est pas explicite, on s’aperçoit que la conception des progressions et des programmes depuis de nombreuses années n’est jamais contradictoire avec les principes avancés par Jean Daniau.

Sur le fond – même si je n’ai pas de positions explicites à citer –, je pense que l’on a tellement répété à une époque cette vérité absolue qu’une axiomatique ne pouvait être contradictoire que l’on a déduit un peu hâtivement que, si à un niveau d’enseignement donné on a besoin d’une axiomatique A et au suivant d’une axiomatique B, il ne pouvait y avoir de contradictions entre une (ou des) proposition(s) de A et une (ou des) proposition(s) de B ( mais il se trouve que l’axiomatique parle plutôt du synchronique et pas du diachronique, pour le dire vite).

Et tu as bien raison : je suis assez convaincu de ce que j’affirme (sinon je ne l’écrirais pas) mais je conçois tout à fait que ça ne convainque pas. Mais en ce cas, pouvez-vous me dire les points à développer (ou même plus directement ce qui vous semble faux).

MD